Le projet GRACE

Le projet européen GRACE (Genomics to combat Resistance against Antibiotics in Community-acquired-Lower Respiratory Tract Infections in Europe : www.grace-lrti.org ) soutenu par la Commission Européenne a été proposé au Collège Azuréen des Généralistes Enseignants (CAGE) et au Département de Santé Publique du CHU de Nice du fait de l’implication du GEPIE dans les travaux européens sur les thèmes de la résistance bactérienne et des infections respiratoires en médecine générale. Le projet TRACE (Translational Research on Antimicrobial resistance and Community-acquired infection in Europe) a permis de poursuivre ce travail et de mettre en valeur les données transversales probantes obtenues, notamment la création d’une formation en ligne pour les médecin généralistes

Ces projets ont comporté entre autres une vaste étude d’observation de 6000 patients entre 2008 et 2011 (Work Package 9 : WP9) couplée quand cela était possible à un essai thérapeutique randomisé en double aveugle multicentrique amoxicilline contre plabebo (Work Package 10 : WP10), afin d'étudier la prise en charge en soins primaires des infections respiratoires basses chez l’adulte et chez la personne âgée, à l’exception de la pneumonie. En effet, ces infections non compliquées sont pourtant à l’origine de nombreuses prescriptions d’antibiotiques dans toute l’Europe. Les aspects cliniques, thérapeutiques, les examens complémentaires, notamment innovants, la recherche des facteurs génétiques prédisposants, la recherche microbiologique et épidémiologique ont été traités par une équipe européenne ad hoc de médecins généralistes, de spécialistes et de chercheurs.

Le CAGE, avec des médecins investigateurs du Var, de Nice, Grasse et Antibes, a représenté la France dans cette étude, qui comprenait 16 centres, dans 12 pays : Cardiff (Pays de Galles), Southampton (Angleterre), Mataro et Barcelone (Espagne), Anvers et Gand (Belgique), Utrecht (Pays Bas) Jönköping (Suède), Rotenburg (Allemagne), Milan (Italie), Lodz, Bialystok et Szczecin (Pologne), Bratislava (Slovaquie), Jesenice (Slovénie).

Certains résultats commencent à être publiés

Vous trouverez les 4 références dont voici le résumé dans notre rubrique Publications.
  • Dans l’article paru dans le Lancet en 2013 concernant plus de 2000 patients inclus dans le WP10, nous avons la confirmation que traiter une infection des voies respiratoires basses non compliquée de pneumonie avec des antibiotiques -l'amoxicilline- n'apporte aucun bénéfice en termes de durée, ni de sévérité des symptômes, par rapport à un placebo.
  • Dans l'étude WP9, la valeur du diagnostic clinique de pneumonie par rapport au diagnostic radiologique a été précisée. En cas de diagnostic clinique de pneumonie, le diagnostic est très fiable (plus de 95% des cas de concordance), mais plus de deux pneumonies sur trois échappent au diagnostic clinique; les symptômes de ces pneumonies passées inaperçues sont cependant moins sévères.
  • Les découvertes inopinées sur les radiographies ont été rares, et représentées en majorité par des nodules suspects, sur une population d’âge moyen un peu plus élevé, et avec plus fréquemment un tabagisme.
  • Le diagnostic clinique et biologique de pneumonie a été réétudié par comparaison avec la radiographie considérée comme le diagnostic de référence. Il est plus fiable en cas de tableau moyennement symptomatique ou sévère, et il est corrélé à la présence d’un ou plusieurs symptômes « classiques » tels que l’absence d’écoulement nasal, la dyspnée, des crépitants, une diminution du murmure vésiculaire, une tachycardie, de la fièvre. Le dosage de la C réactive protéine, s’il est supérieur à 30 mg/litre apporte un argument supplémentaire, mais pas celui de la procalcitonine qui n'est donc pas vraiment utile dans ce cas.

Plusieurs études préliminaires GRACE

ont concerné ces infections respiratoires basses non compliquées dans les mêmes conditions, elles ont impliqué une partie des mêmes centres européens investigateurs (13 pays européens), alors que la France n'était pas encore participante. Elles ont donné des résultats notables. Parmi celles-ci, l’influence de certains déterminants, notamment de présentation clinique sur la décision du médecin qui prescrit des antibiotiques a été décrite qualitativement (Brookes-Howell, BMJ 2012). L’histoire de la maladie a également été décrite statistiquement : une appréciation clinique du risque de maladie prolongée n’est pas très fiable, même si la présence d’au moins un épisode dans l’année précédente, l’utilisation de médications inhalées, ou une diarrhée initiale seraient plus souvent relevées: Plus de 90% des patients guérissent dans les 3 semaines, il est ainsi possible d’en faire état pour les rassurer et de leur demander de reconsulter en cas de persistance des symptômes au delà de cette période (van Vugt, Family Practice 2012). Le score clinique « RCB-65 », a été développé par le passé pour évaluer la gravité de la pneumonie. Il est basé sur 4 paramètres très simples, dont les deux premiers étaient manquants dans plus d’un tiers des cas dans les observations d’inclusion des patients de GRACE : la fréquence respiratoire, la tension artérielle, la présence de signes de désorientation ou de confusion et l’âge. Ce score n’a donc été calculé que pour un groupe de patients qui, si on le compare à l’autre groupe, a eu une histoire de la maladie plus longue avant guérison. Dans cette observation, l’âge (plus de 65 ans) est prépondérant pour le calcul du score, mais également le fait que les médecins dans l’étude ont relevé les paramètres cliniques dans certains cas peut-être jugés plus préoccupants…Des études complémentaires concernant le pronostic de ces infections étaient attendues pour préciser ces observations (van Vugt Primary Care Respiratory Journal (2011).

Ces travaux sont plus que jamais d’actualité ; il est important de réserver la prescription d’antibiotiques aux seules complications… la non prescription d'antibiotiques est un acte médical thérapeutique à part entière…et l’amélioration des connaissances concernant la pratique quotidienne permet de progresser dans la prescription prudente des antibiotiques…

Références

SF van Vugt, ThJM Verheij, PA de Jong, CC Butler, K Hood, S Coenen,H Goossens, P Little, BDL Broekhuizen, on behalf of the GRACE Project Group
Diagnosing pneumonia in patients with acute cough: clinical judgment compared to chest radiography.
ERJ Express. January 24, 2013
Little P, Stuart B, Moore M, Coenen S, Butler CC, Godycki-Cwirko M, Mierzecki A, Chlabicz S, Torres A, Almirall J, Davies M, Schaberg T, Mölstad S, Blasi F, De Sutter A, Kersnik J, Hupkova H, Touboul P, Hood K, Mullee M, O'Reilly G, Brugman C, Goossens H
Amoxicillin for acute lower-respiratory-tract infection in primary care when pneumonia is not suspected: a 12-country, randomised, placebo-controlled trial.
Lancet Infect Dis.2013 Feb;13(2):123-9.
Van Vugt S, Broekhuizen L, Zuithoff N, de Jong P, Butler C, Hood K, Coenen S, Goossens H, Little P, Almirall J, Blasi F, Chlabicz S, Davies M, Godycki-Cwirko M, Hupkova H, Kersnik J, Mierzecki A, Mölstad S, Moore M, Schaberg T, De Sutter A, Torres A, Toub
Incidental chest radiographic findings in adult patients with acute cough.
Ann Fam Med. 2012 Nov-Dec;10(6):510-5.
Van Vugt S, Broekhuizen L, Lammens C, Zuithoff N, de Jong P, Coenen S, Butler C, Goossens H, Verheij T; on behalf of the GRACE consortium
Use of Serum C reactive protein and procalcitonine concentrations in addition to symptoms and signs to predict pneumonia in patients presenting to primary care with acute cough: diagnostic study
Ann Fam Med. 2012 Nov;10(6):510-515